Après son recensement en décembre 1909, il passe devant le Conseil de révision en février 1910. Il a bientôt 21 ans et c’est à sa classe d’âge de partir pour le service militaire de deux ans (classe 1909). Il passe devant la commission de recrutement cantonal de la Loupe. Il est inscrit sous le numéro 23. Ce document est une source d’informations importante (1). On apprend qu’il mesure entre 1,67m et 1,68m, qu’il est blond aux yeux bleus. Passons les descriptions physiques typiques des renseignements d’identité de l’époque (nez, forme du visage…). Il est célibataire sans enfant, vit et travaille chez ses parents (il est aide à la culture) et n’a aucune des aptitudes particulières renseignées sur le document (musicien, monter ou s’occuper d’un cheval, conduire les voitures, les automobiles, la vélocipédie, nager…). Il est déclaré « bon » pour le service. Ne lui reste à attendre que sa feuille de route qui lui indiquera son unité d’affectation.
Il est incorporé le 4 octobre 1910 comme appelé à la 8e section de secrétaire d’état-major et de recrutement de Dijon (8e région militaire). Il est donc affecté bien loin de sa région militaire (la 4e).
Cette affectation loin de chez lui comme secrétaire d’état major est sans explication pour l’instant : en avait-il fait la demande ? Quoi qu’il en soit, un an après, il devient soldat de 1ère classe (29 septembre 1911).
Savoir ce qu’il faisait au quotidien est particulièrement difficile. Le document le plus complet, la fiche matricule qui donne les dates des différentes affectations, est inutile ici. L’unique source dont nous disposons pour l’instant est la seule lettre de Jules conservée pour la période avant 1914. Elle date du 13 octobre 1911 et illustre probablement bien sa vie de soldat de l’armée d’active. Ses tâches semblent avoir été essentiellement administratives sans qu’il soit possible de préciser. Il mentionne un travail sur l’avancement des officiers et sous-officiers et l’ordinaire. Rien de plus. Il refuse un poste de secrétaire au Maroc, à la Section de marche des secrétaires d’état-major (stationnée au Maroc occidental).
Nous ne disposons que de peu de lettres de Jules, mais à partir de cette seule parvenue jusqu’à nous pour cette période, on peut tirer quelques conclusions sur ses loisirs sans trop de risques. Il devait écrire régulièrement à sa famille. Plusieurs indices viennent étayer cette affirmation. Tout d’abord, il ne parle que de ce qui lui est arrivé durant la semaine, strictement rien sur ce qui précède. Ensuite, il précise « heureusement que mes enveloppes sont faites à l’avance » preuve qu’il écrit assez régulièrement. C’est probablement à cette époque qu’il a pris l’habitude d’entretenir une correspondance importante quand il est sous l’uniforme. C’était un moyen pour lui d’être avec sa famille et avec ceux qui lui sont chers à n’en pas douter.
L’en-tête de sa lettre porte un morceau de papier collé où figure « Encore 343 jours ». Toutefois, pas de remarque montrant clairement qu’il a le mal du pays à Dijon : il n’utilise pas les expressions les plus courantes pour dire l’impatience de voir ces deux ans s’achever (« La fuite et vivement » par exemple), c’est juste un décompte des jours. Dans cette lettre, il note son impossibilité d’assister à un repas organisé par ses parents. Il nous apprend également que les permissions devaient être rares. Son ami Casimir vient le voir parfois le week-end. Ses seuls passe-temps, toujours d’après la lettre, sont le théâtre ou le cinéma le dimanche, la venue de Casimir et sa correspondance. Le temps devait lui paraître d’autant plus long que ses camarades, majoritairement Bourguignons, pouvaient obtenir des permissions pour la fin de semaine et rentrer chez eux.
C’est ici que doit se placer la prise du cliché dont un gros plan de Jules est proposé ci-contre à droite. Cette photo-carte, adressée à Jules Gauthier, était peut-être un souvenir donné à toutes les personnes sur la photographie : « Je vous envoie le régiment armé de la 8e section. Mes amitiés ». Bien que la signature soit illisible et qu’elle ne soit pas datée, il est facile de deviner qu’elle fut prise à la fin de son service. Jules semble plus mûr que sur le premier cliché en uniforme. Pendant qu’il était dans l’armée d’active, il était affecté à la 8e section de secrétaires d’état-major et du recrutement, et il sera affecté à une autre section par la suite, cette photographie ne peut donc avoir été prise après septembre 1912.
Il est libéré le 29 septembre 1912 avec en poche son indispensable certificat de « bonne conduite ». Mais l’homme qui rentra à Beaurepaire n’était plus celui qui en était parti deux ans auparavant : il avait changé et rencontré quelqu’un à Dijon.
Suite – 5. Jules et Jeanne
1. Archives départementales d’Eure-et-Loir, 1 R 678 : fiche matricule de Jules Gauthier, classe 1909, matricule 205 au bureau de recrutement de Dreux.
Dernière mise à jour de la page : 7 juillet 2011