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74 – A la recherche de René Labroue, 129e RI, 1914

Pour certaines photographies, on part un peu sceptique : acheté 1 euro en 2012, le document ne donne qu’un simple prénom, un destinataire mais une croix sous un homme donne envie d’identifier son auteur. Parfois, la recherche est vaine. D’autres fois, un indice permet, difficilement, de trouver. Voici l’histoire de la recherche de René Labroue.

  • À la recherche du « gars René »

« Salut les gars, René ». René ne nous a pas laissé beaucoup d’informations, en lien avec le tarif de l’envoi 5 centimes pour 5 mots. La seule possibilité de trouver, est qu’il ait adressé cette photographie à un membre de sa famille. La recherche débuta donc par le recensement de Joinville-le-Pont : rien en 1901 rue de Créteil ; par contre, en 1911 :

Notre homme est donc fort probablement René Labroue et il écrit à sa mère. On apprend également qu’il est né en 1893 et qu’il appartient donc à la classe 1913.

La recherche de René a été laborieuse. Bloquée en 2017, il a fallu attendre plusieurs années pour que les Archives départementales du Tarn et Garonne mettent en ligne les actes d’état civil après 1892. Ce premier écueil passé, il a été possible de constater qu’il n’y avait pas de René Labroue né en 1893 à Castelsarrazin ! Par contre, on trouve un « Dieudonné Labroue ». Toutes les informations correspondent à notre « René ». La consultation de l’acte de naissance confirma que les parents étaient les bons, les âges correspondent, sauf qu’un deuxième problème est apparu en plus du prénom différent : si le père est bien Augustin Labroue né en 1858 comme dans le recensement, la mère est Boudet Jeanne Marie et non Labroue Angèle. L’acte de naissance du père ne présente aucune mention marginale d’un remariage. Peut-être y a-t-il eu une erreur lors du recensement ?

Une identité permit de trouver la fiche matricule de Dieudonné/René Labroue. Dans un premier temps, les recherches faites dans les différents bureaux de recrutement autour du département de naissance n’ont rien donné, en particulier quand seul « René Labroue » était visé.

Vivant dans le département de la Seine, notre Dieudonné/René devait être dans les fiches matricules d’un bureau de la Seine. Mais la première recherche ne donna… rien ! Cette fois-ci, il s’agissait d’une erreur d’indexation. On trouve bien un « Laboue » Dieudonné à Paris au 4e Bureau, matricule 3521 de la classe 1913 (l’erreur d’indexation a été signalée depuis et corrigée).

La consultation du document a confirmé qu’il s’agit bien de notre « René » : date et lieu de naissance, identité des parents et indication d’un service actif au 129e RI achevèrent de convaincre que notre homme était trouvé. En effet, on devine 129e RI sur certains képis, ce qui est à mettre en lien avec l’adresse : il y a bien une rue du canon au Havre, lieu de casernement de ce régiment, jusqu’en 1926.

  • Le voyage forme la jeunesse

Cette célèbre expression semble fort adaptée au parcours de René. Les deux enfants du couple naquirent dans le Tarn-et-Garonne. La famille partit ensuite s’installer dans la Seine. Ces déplacements se firent probablement au gré des emplois trouvés par Augustin, le père : marinier à la naissance de son fils, menuisier en 1912 au canal Saint-Maurice près de Joinville-le-Pont, toujours menuisier en 1915.

Lors de son recensement par l’administration militaire, il résidait chez ses parents, 3 rue de Créteil à Joinville-le-Pont. Il exerçait la profession de mécanicien ajusteur. Etait-il encore dans l’entreprise de jumelles dans laquelle il était apprenti lors du recensement de 1911 ?

Il fut jugé apte au service armé par le Conseil de révision de Saint-Maur en 1913 et il rejoignit la caserne du 129e RI du Havre le 27 novembre 1913. C’est forcément pendant l’hiver 1913-1914 ou au tout début du printemps que fut prise cette photographie. Les hommes sont en tenue d’exercice, le bourgeron et le pantalon de treillis passés par-dessus l’uniforme autant pour les protéger que pour apporter un plus de chaleur pour l’exercice. Les arbres n’ont pas encore leur feuillage.

Les 20 recrues sont à l’exercice sur un terrain qui n’a pas été identifié. Les fusils sont en faisceau et au centre de la composition on observe un jeune sergent. Il ne s’agit pas d’un rengagé, il est probable que cet homme soit en fin de service actif, étant devenu sergent après avoir été soldat de 2e classe puis caporal un temps. Il est le seul à ne pas être en tenue d’exercice. Il a légèrement relevé son képi ce qui laisse deviner ses cheveux, ce qui est assez inhabituel sur les photographies. Il tient une cigarette dans sa main gauche.

Les hommes ont posé le havresac qui est lourd. L’entraînement n’est pas encore au niveau de lester les cartouchières qui semblent majoritairement vides pour celles du modèle 1888 (portée à droite de leur ceinturon par les soldats). On voit que le modèle 1882 (en forme de boite) est moins pratique et pend sur la gauche du ceinturon.

  • René Labroue et le premier conflit mondial

En 1915, il se maria au Havre avec Renée Maffey, jeune femme habitant à Joinville-le-Pont où ils se rencontrèrent. Bien que domiciliée désormais au Havre, sa famille continuait de vivre au 3 rue de Créteil. Sur son acte de mariage, il signa bien « Dieudonné ».

En mai 1918, il retourna dans une caserne. Sa fiche matricule indique le 10e RI, sa fiche de l’aéronautique note le 57e RI. Le plus important ici est qu’il resta dans la zone de l’intérieur bien que retrouvant l’uniforme dans un groupe d’aviation où, une fois encore, il fut mécanicien, en lien avec ses professions d’avant-guerre.

Père d’une petite Simone Marthe née le 18 mars 1918, on sait peu de choses sur sa vie d’après-guerre. Il continua de travailler dans la mécanique, après sa démobilisation le 29 août 1919. La famille quitta le boulevard de Graville au Havre pour s’installer en région parisienne à Levallois-Perret en mai 1920. Il travailla comme chef de service à la société Le Carbone à Gennevilliers au moins jusqu’en 1937, date de la dernière entrée dans sa fiche matricule.

Il décéda à Hyères dans le Var le 20 avril 1965.

  • En guise de conclusion

Pourquoi « René » ? La question n’a pas trouvé de réponse pour l’instant. Heureusement que le croisement des sources a permis de confirmer qu’il s’agissait bien de cette personne. Sans le recensement de 1911, l’absence de toute mention de « René » dans les autres documents aurait pu faire conclure que ce René était un ami de la famille. La recherche n’aurait pu aller plus loin.

  • Source :

Archives départementales de Seine-et-Marne :

D2M8 117 – Recensement de la commune de Joinville-le-Pont, 1911, vue 45/270.

Archives départementales du Tarn-et-Garonne :

6 E 033-82 – Actes de naissance de Castelsarrasin de Dieudonné Labroue, 1893, vue 12/34
http://www.archivesdepartementales.cg82.fr/ark:/40357/oqrv3d5ko6s8hqpp

Archives de Paris :

AD75 D4R1 1761 – Fiche matricule de Labroue Dieudonné, classe 1913, matricule 3521 au bureau de recrutement de Seine 4e bureau.

Archives départementales de Seine-Maritime :

4 E 20001 – Le Havre, acte de mariage n° 778 de Dieudonné Labroue, 02/07/1915-31/12/1915 vue 304/474
https://www.archivesdepartementales76.net/ark:/50278/f0f8e2c56b6327657f732af957fef566/dao/0/304

4 E 20017 – Le Havre, acte de naissance n°688 de Simone Marthe Labroue, 1918, vue 176/490.
https://www.archivesdepartementales76.net/ark:/50278/55e275b7a26758a37c6da975d79617be/dao/0/176

Service Historique de la Défense :

Personnel de l’aéronautique : A211239R
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m00523ad17242765/5242c798f1dff


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