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7 – 103e RI au camp, date et lieu inconnus.

On peut facilement imaginer la vie militaire comme une succession de journées identiques et monotones. Si la vie à la caserne peut prendre cet aspect, il ne faut pourtant pas réduire la vie militaire à cela.

  • Se méfier des apparences

Cinq hommes du 103e RI posent dans un camp. Cette simple phrase résume la quasi-totalité des informations visibles. Dos de la carte vierge de toute inscription, pas de localisation, pas de noms, il est difficile d’en dire plus avec certitude.
On peut tout de suite ajouter que les deux hommes aux extrémités du banc sont de simples soldats. On pourrait croire que les galons indiquent que l’homme au centre et celui à sa gauche sont des sergents ; le dernier, second à droite, serait sergent-major.

Toutefois, le doute est permis : ces hommes paraissent très jeunes et auraient déjà des grades assez élevés, sergent et sergent-major.

Un examen, attentif des marques de grade permet de douter plus encore. En effet, ils sont d’une couleur claire comme le sont les grades des sergents et d’un sergent major mais à y regarder de plus prêt, cette couleur clair n’est pas uniforme, elle déborde aussi sur le tissu de la capote. L’objectif était de faire ressortir les galons sur la photographie : ce sont les hommes qui ont blanchi à la craie leurs galons. Nous n’avons plus alors de jeunes sergents et un sergent major, mais deux soldats de première classe (un galon rouge) et un caporal (deux galons rouge).

Les numéros de régiment, sur le képi comme sur le pattes de collet ont subi le même traitement : craie pour mieux ressortir et bavures de la craie autour du numéro.

  • Au camp

L’arrière-plan nous donne une indication du lieu où se trouvent ces hommes : ils sont dans un camp. Pas un bivouac ou un cantonnement, encore moins un campement. En effet, chaque mot a un sens très précis dans le vocabulaire militaire. Nous pouvons proscrire le mot campement de nos écrits car il désigne les personnes chargées de préparer le cantonnement ou le bivouac.
Le bivouac concerne « les troupes qui sont installées en plein air ou sous des abris improvisés« . « Les troupes qui occupent des lieux abrités sans y être casernés sont en cantonnement« . Le règlement d’infanterie de 1914 est donc très précis sur le sens à donner à chaque mot. Sous la tente, bivouac ; dans une grange, dans un village, c’est un cantonnement. Si le bivouac se prolonge, on parle alors de camp. Il existe des lieux en France réservés aux entraînements des unités du Corps d’armée ou même de régiment de toute la France que l’on appelle camp (comme Mailly dans la Marne). Il peut y avoir des bâtiments, mais dans la plupart des cas, il s’agit de tentes de huit places comme celles que l’on voit à l’arrière plan et qui n’ont rien à voir avec la tente transportée par les hommes.
Difficile avec ce simple fond de déterminer de quel camp il peut s’agir. Le camp d’Auvours, à l’Est du Mans était régulièrement utilisé par les régiments du 4e corps d’armée auquel appartient le 103e RI. Cependant, une partie du régiment étant casernée à Paris (l’autre à Alençon), il peut s’agir d’un autre plus proche de Paris.

  • Moment de repos

L’équipement a été enlevé : brelages, ceintures, sacs, armes sont absents de l’image. Mais c’est ce que portent les hommes aux pieds qui est le plus remarquable.

Deux hommes portent encore les brodequins et les guêtrons quand les trois autres ont enfilé des espadrilles à la place ! Il s’agit bien d’un équipement réglementaire. Dans la liste des équipements à montrer lors d’une revue de détails figure une « paire de chaussures de repos, brodequins légers, souliers ou espadrilles« .
Si à la guerre, enlever ses brodequins est interdit, il en va tout autrement dans le camp. Si l’on savait à quel moment la photographie a été prise, on pourrait en dire plus. Hélas, aucun texte ne vient nous renseigner sur le moment de la journée ou de la semaine où cette pause a été immortalisée.

  • Dater l’image

Pas de noms, pas de lieu, juste un régiment qui, en l’absence d’autres éléments, ne nous apprend pas grand chose.

Deux indices permettent cependant d’estimer la saison où cette vue fut prise : la végétation à l’arrière plan (printemps ou été) et surtout les numéros que les soldats ont écrit avec la craie qui a dû leur permettre de blanchir leurs numéros de régiment et leurs grades.
Le 1er à gauche porte un numéro sur son uniforme : 19… Hélas, il n’est pas impossible qu’un troisième chiffre soit masqué par le pli de la veste. Un deuxième homme a lui écrit le nombre de jours qui le séparent de la quille sur son guêtron : 448. Encore un peu plus d’un an avant la libération. Pour nous, c’est un moyen de déterminer une date un peu plus précise de prise de vue. Date sans année. La libération de la classe se faisant en octobre, octobre – 448 = prise de vue fin juillet, début août de l’année précédente.

  • Quelques détails supplémentaires

Rien qui ne nous en apprenne plus sur l’image, mais des détails qui permettent d’illustrer un peu certaines caractéristiques de l’époque. Trois hommes posent avec leur « bouffarde », dont deux ont un modèle identique. La résolution ne permet pas de voir si les propriétaires ont fait des entailles sur la pipe pour marquer chaque mois fait à la caserne.

L’homme au centre porte les fameuses « binocles », deux verres sans branches.

Il ne faut jamais hésiter à regarder avec attention ces images, elles sont souvent riches de mille et un détails. La qualité de ces images fait qu’ici par exemple, on peut voir qu’un homme s’est pincé un doigt et a un ongle noir ! Si on s’éloigne de la vie militaire, on est bien dans la vie de ces hommes.

  • Conclusion

Beaucoup d’éléments au final mais s’ils permettent de commenter longuement cette image, ils n’en disent pourtant pas l’essentiel : qui ? Où ? Quand ?

  • Référence des citations :

Manuel d’instruction militaire, Librairie Chapelot, Paris, 1914, pages 402-403.
Manuel d’instruction militaire, Librairie Chapelot, Paris, 1914, pages 876-877.


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