Voici un nouvel exemple du temps qu’il faut parfois pour faire parler une image, malgré les informations données. Le déblocage peut venir de l’ouverture d’une source ou d’une aide extérieure. Faisons connaissance avec André Delage dont le portrait a été trouvé en brocante en 2012.

- À la recherche d’André Delage
Des « Delage André », il n’y en a pas qu’un et trouver le bon était bien compliqué. En effet, le numéro de col n’est pas lisible, la date est approximative. La seule indication permettant d’avoir une certitude quant à l’identification est la mention présente au dos, mais oh combien énigmatique : « André Delage frère de René Paupy (…) ».

L’hypothèse d’un demi-frère était la plus plausible, mais il a fallu les recherches de Thibaut Vallé pour avoir la confirmation.
André Delage est un jeune boucher de l’Oise au déclenchement de la guerre. De la classe 1914 puisque né en 1894, il est ajourné en avril par le conseil de révision. Mais le déclenchement du conflit fait qu’il doit repasser devant le conseil de révision avec la classe 1915 en octobre 1914. Il est cette fois-ci reconnu bon pour le service armé. Il est incorporé en même temps que la classe 1915 au 43e RI. Il y arrive le 23 décembre 1914. Il a donc été photographié pendant son passage au dépôt du régiment de Lille. Mais ce dernier a été évacué dès le début du conflit d’abord vers Rouen puis vers Limoges. C’est donc dans ce département qu’il a appris le métier des armes. Son uniforme de début de conflit est typique des effets distribués au dépôt pendant cette période. On devine difficilement « 43 » sur le col, difficile à interpréter.

Ayant été affecté à un autre régiment à partir du 20 mai 1915, cette photographie est forcément antérieure. On pourrait être plus précis si on connaissait la période précise ou la classe 1915 a été envoyée au camp de la Courtine en 1915. Hélas, les archives des dépôts sont rares.

- Le mystère du frère « Paupy »
Plus qu’un mystère, c’est un demi-frère qui a permis d’identifier avec certitude André Delage. Né du mariage de Joseph Lesage et Marie Angèle Isoré en 1887, il est l’unique enfant du couple. En effet, 14 ans plus âgé que son épouse, Joseph décède en 1898.
Marie Angèle se remarie en 1903 avec un veuf de la commune de Sainte-Geneviève où vit la famille Delage : monsieur Gaston Alfred Saupy et non « Paupy » comme initialement lu.

Déjà père de deux filles de sa première union, une nouvelle naissance, six mois après le mariage, vient compléter la famille. Il s’agit du René Saupy mentionné par la photo carte, né le 27 janvier 1904, de dix ans le cadet de Joseph.
Est-ce lui qui annota la photo carte ainsi que la seconde trouvée ? Peut-être le considérait-il plus comme son frère que ses deux demi-sœurs sans qu’il soit possible de répondre à cette question.

- Le triste destin d’André Delage et ses camarades anonymes
Une fois son instruction suffisante, André quitta l’uniforme désuet du dépôt pour une tenue bleu-horizon neuve et rejoignit le 9e bataillon du 8e RI pour compléter sa formation militaire dans la zone des Armées. De là, il fut envoyé au 108e RI en décembre 1915. À moins qu’il n’ait été affecté directement au 8e RI dans l’unité combattante avant un transfert vers le 108e RI, mais cette hypothèse est nettement moins fréquente que le passage par un 9e bataillon.
En plus du portrait se trouvait une autre photographie, de « deux camarades », l’un du 72e RI et l’autre du 261e RI. Hélas, en l’absence de toute indication complémentaire, impossible de dire si le cliché avait été envoyé en souvenir à André par des camarades du pays ou du dépôt ou dans d’autres circonstances.

On ne saura donc pas qui est ce soldat de première classe debout à côté d’un soldat blessé deux fois et portant deux chevrons de présence en zone des armées, soit un an et demi. Cette information ne contredit pas la prise du cliché début 1916.

L’hypothèse d’un envoi par des anciens camarades est la plus plausible, André a pu voir ce cliché. En effet, après avoir été décoré en février 1916 pour son action en tant qu’agent de liaison, son régiment est envoyé à Verdun. Il y est tué le 17 mai 1916. Reste que les deux clichés ont été conservés ensemble jusqu’à leur mise en vente.
- En guise de conclusion
Rendre son parcours à André Delage ne fut pas simple, la difficulté de trouver son demi-frère étant doublée d’une orthographe difficilement lisible pour le nom « Saupy ». Beaucoup d’interrogations restent en suspens, probablement définitivement.
- Remerciements
Sans l’aide de Thibaut Vallé, André aurait probablement dû attendre encore bien longtemps avant de ressortir des limbes. Grand merci à lui d’avoir débloqué cette recherche et retrouvé la trace et toute la généalogie de la famille.
- Sources :
Archives départementales de l’Oise :
RP 1019 – Fiche matricule d’André DELAGE, classe 1914, matricule 1512 au bureau de recrutement de Beauvais.
https://ressources.archives.oise.fr/ark:/44803/gbb646e5573c2d4374cc748414b4d61f6/8bca5aec91ec82e38bcfd00ee05e5b07/1/ZnJhZDA2MF9ycDEwMTlfMDE1Ml8wMS5qcGc=
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