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60 – Exercices, 149e RI, Épinal, 1910

Il arrive que des correspondants me confient des documents afin de les faire parler. S’engage alors parfois une longue recherche. Pour ces deux photos cartes, tel ne fut pas le cas : Denis Delavois, rédacteur d’un travail considérable sur le 149e RI publié dans son blog, m’a fourni non seulement les  images mais aussi la fiche matricule du rédacteur. Tâche pour moi d’essayer de déterminer qui il est sur les photographies.

  • Pendant une période d’exercices

Albert Miquey a eu un parcours un peu particulier. Il a été dispensé comme diplômé de l’École de commerce. Une fois ses études achevées, il a rejoint « isolément » le 149e RI, c’est-à-dire qu’il n’est pas arrivé en même temps que les autres recrues. Il n’y est immatriculé que le 14 novembre soit plus d’un mois et demi après les autres bleus de la classe 1903.

Suivant la loi de recrutement de 1889, cette dispense lui permet de ne faire qu’un an de service actif. Mais il n’est pas encore considéré comme réserviste : il ne le sera qu’en 1907, comme le reste de sa classe. Il est nommé caporal le jour de son départ de la garnison en 1905 puis il obtient son certificat d’aptitude au grade de sous-officier ce qui lui permet de devenir sergent le 10 avril 1906. Il fait une première période d’exercices, toujours au 149e RI, du 19 août au 15 septembre 1907, et certainement retrouve-t-il ses camarades de la classe 1903 qui ne sont libérés qu’après ces manœuvres.

Ses obligations militaires le conduisent une deuxième fois au 149e RI pour une période d’exercices, comme réserviste cette fois-ci, du 4 au 26 novembre 1910. C’est pendant cette période qu’il se fit photographier en compagnie d’autres sergents.

Il ne semble pas montrer un enthousiasme important quand il écrit à ses parents pour raconter ce qu’il vient de faire pendant les dernières 24 heures.

« 28 jours
Epinal, 24 9bre 1910
Bien chers Parents
Nous voici rentrés à Epinal ; nous étions partis hier à midi, après avoir réintégré nos Cies d’origine – moi, la 10e – nous avons fait 17 K. et sommes arrivés à 4h 1/2 à Xertigny, seconde station de la ligne Aillevillers-Dijon, où nous avons cantonné. J’ai pu trouver un lit, très bon même et j’ai fort bien dormi. La manœuvre de ce matin n’a pas été trop dure, mais il y avait 15 cm de neige. Beau temps, froid sec. Nous sommes rentrés au quartier à 4h 1/2 ce soir. Je suis fort bien portant et pas fatigué, les pieds seuls sont un peu en dentelles, mais c’est 1 demain matin. Je vous écrirai demain soir pour vous renseigner sur mon retour. Je compte toujours partir vendredi à 8h du soir. J’espère vous trouver bien portants, soignez vous bien et à bientôt. Mille bons baisers cher Papa et chère Maman ainsi qu’à Louis, Marie et leur nichée. Bonnes amitiés rue Barodet et rue Pelleton.

Illisible »

La question est maintenant de savoir qui peut être Albert dans ces deux groupes. Afin d’essayer de le découvrir, je suis parti de celle montrant le moins de personnes et j’ai éliminé les sergents dont l’uniforme appartient à un autre régiment et les sergents fourriers. Ensuite j’ai aussi éliminé ceux qui portent un uniforme d’achat personnel. En effet, se pose la question de savoir s’il a fait cet investissement coûteux alors qu’il ne doit le porter qu’à de rares exceptions, n’ayant pas été sergent pendant son service actif. Aucune certitude possible concernant la réponse. J’étais initialement parti avec l’idée d’éliminer ces hommes, avant de me raviser, observant sur certains cols des pastilles métalliques qui indiquent une capote ou une veste fournie par l’intendance et non d’achat personnel. J’ai aussi pris en compte des informations observées sur la seconde photographie et les hommes mariés. Pour ce dernier point, une alliance élimine d’office deux candidats puisqu’Albert ne s’est marié qu’un an plus tard.

  • Qui est qui

J’ai éliminé les sergents rengagés, les sergents fourriers, les sergents mariés et j’ai ajouté les hommes ayant un képi d’achat personnel. On arrive à ce résultat :

Sur douze hommes, il n’en reste que trois, quatre si l’on ajoute celui qui a été éliminé uniquement en raison de son képi d’achat personnel. Comment départager ces derniers candidats ? À notre disposition, nous n’avons que la fiche matricule qui indique les éléments suivants :

– il a 27 ans ;

– il mesure 1,66 m ;

– il a les cheveux châtains, les yeux sont bruns, le front est découvert. Son visage est ovale avec un menton rond, une bouche et un nez moyens.

Cette description n’est pas d’une très grande aide. Les képis cachent le front par exemple. Peut-être le menton rond nous aide-t-il à éliminer un nouveau candidat, mais. Si le premier homme semble un peu plus âgé, bien difficile de dire quel est son âge.

Et le sergent avec képi d’achat personnel :

  • Une seconde piste : les descendants ?

La dernière chance d’identifier Albert est de poser la question directement à des descendants directs en passant par un site de généalogie. Des deux personnes contactées, malgré leur lien de parenté direct, aucune n’a pu, hélas, répondre positivement à ma demande.

Aucun n’a pu le connaître. En effet, mobilisé au 152e RI, il est tué pendant l’été en 1915 en Alsace. Il laisse une fille de 3 ans et un fils à naître. C’est peut-être parmi leur nombreuse descendance que se trouve la clef ? À moins que ces deux documents ne témoignent de la dispersion des papiers concernant Albert Miquey.

  • Quelques détails quand même

Même si la mission était de mettre un visage sur un nom, je n’ai pas pu m’empêcher de scruter le reste des deux photographies.

Sur la première, on peut ainsi voir un attelage à l’arrière-plan :

Sur l’image suivante, non, il ne s’agit pas d’un uniforme réalisé avec un tissu en velours, mais simplement une empreinte digitale qui a marqué le cliché :

Sur la seconde photographie, un détail imperceptible à l’œil nu : un plaisantin a vandalisé la gouttière en gravant « 11 et la fuite » :

À moins que ce ne soit une inscription à la craie réalisée par l’homme qui se trouve à côté pour indiquer que sa période s’achève dans onze jours ?

  • En guise de conclusion

Malgré les outils à notre disposition, il n’a pas été possible de trouver qui est Albert Miquey sur ces deux photographies. Il y a bien un faisceau de présomptions, mais aucune certitude. Une fois encore, il faut espérer que la patience, que la mise en ligne de nouvelles sources ou que la découverte fortuite d’un nouvel élément va permettre de faire parler l’image.

  • Remerciements :

Un grand merci, une fois encore, à Denis Delavois, auteur du blog du 149e RI, pour m’avoir proposé cette recherche. Accès direct à son blog : le blog du 149e RI

  • Sources :

État civil du 4e arrondissement de Lyon, naissance de 1883, Archives municipales de Lyon, 2 E 1099, vue 18/134.

Fiche matricule d’Albert Miquey, classe 1903, matricule 700 au bureau de recrutement de Lyon, Archives départementales du Rhône, 1 RP 1069, vue 386/953.


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