Aller au contenu

48 – Les corvées, 1901, Castel Sarrazin

Initialement, cette carte postale, illustrée par un dessin de F. Cardet a été achetée pour être utilisée dans un article sur la vie à la caserne, vu que c’est son thème, sur les corvées. Mais la richesse de son texte a permis cette courte recherche, aux aboutissements assez originaux.

  • La corvée

Le thème de cette image est la classique corvée de jour : un caporal surveille quatre hommes désignés pour la corvée. Le caporal ne porte que le bourgeron, mais il a son képi et son pantalon alors que les hommes de corvée sont en bourgerons, pantalons de treillis et bonnets de police. Dans la réalité, les tenues pouvaient varier mais étaient adaptées à cette activité salissante. Voici un exemple, certes dans un camp, mais avec les mêmes ustensiles et les mêmes tenues, toujours sous le regard du caporal de jour.

Pour revenir à notre dessin, deux hommes sont en train de balayer et ramasser des détritus dans la cour (feuilles, crottin de cheval) pour les mettre dans une brouette

En même temps, deux autres portent une sorte de seau haut (dont je n’ai pas trouvé le nom) destiné à transporter du charbon peut-être.

Ce qui est intéressant, c’est que la série à laquelle appartient cette illustration est accompagnée à chaque fois par la partition de la sonnerie illustrée.

Grâce au site Fanfare du 2e hussards, j’ai découvert qu’il s’agissait de la musique de l’appel joué pour la corvée. Sur ce site, en plus de la partition, on trouve des paroles et surtout on peut écouter la sonnerie :

https://fanfare2rh.wixsite.com/fanfare2rh/corvees

Quant aux paroles, elles correspondent exactement à ce qui est visible :

L’un prendra la pelle et l’autr’ prendra le balai,

l’autr’ la brouett’ et ça s’ra bientôt fait !

Rien que ces paroles et cette musique donnent un intérêt supplémentaire à l’illustration de F. Cardet. Le texte ajoute encore un intérêt supplémentaire à cette carte postale.

  • Un texte cohérent avec le choix de l’image

Cette correspondance ne se trouve pas au verso comme on le voit le plus souvent mais au recto. Nous sommes en 1901, et ce n’est qu’en novembre 1903 qu’écrire au verso fut autorisé.

« Dunes, T et G, mercredi.

Scène du genre de celle que j’ai dû organiser aujourd’hui : j’étais sergent de jour !

Avant-hier, chaleur accablante ; hier temps couvert et frais ; aujourd’hui, pluie, demain repos à Dunes, grande localité qui nous héberge déjà aujourd’hui.

Avant hier, à Saint-Aignan, je suis monté par une échelle à ma chambre ! Hier nous étions à Monseville. Jusqu’ici tout va bien sans trop de fatigue. I kiss you. A quand de vos nouvelles ?

P. Maynard

Sergent réserviste, au 11e de ligne, 11e cie, manœuvres d’automne, par Castel Sarrazin»

Ce sergent explique avoir lui-même organisé ces corvées ! Différence toutefois, il ne le fit pas dans le cadre d’une caserne mais dans un cantonnement lors de manœuvres d’automne en septembre 1901. Étaient-ils sous des tentes comme dans la carte postale mise pour illustrer la première partie ou, plus sûrement dans des fermes ?

La carte est marquée par deux cachets lisibles, le premier de Dunes, daté du 5 septembre 1901 et le second de Fumel, toujours le 5 septembre 1901. Grâce à ces dates, on sait qu’il écrit le mercredi 4 septembre.

Le reste de sa correspondance permet d’en savoir un peu plus sur le déroulement de ces manœuvres et leurs conditions, complétant ce que pourrait nous apprendre la presse locale si elle était disponible :

Lundi 2 septembreSaint-AignanChaleur accablante
Mardi 3 septembre 1901MonsevilleTemps couvert et frais
Mercredi 4 septembre 1901DunespluieÉcriture de la carte
Jeudi 5 septembre 1901Dunes?Arrivée de la carte

Il écrit à une jeune femme, (il utilise la formule « mademoiselle » C. Maynard) qui devait être sa sœur et non sa fiancée. Mais pour la vérifier, il faudrait que le site des AD du Tarn et Garonne donne accès aux recensements… Certes, il la vouvoie mais le même nom laisse peu de doute. Tout comme le destin de cet homme.

  • La mobilisation du sergent Maynard

Même si cela sort de l’analyse du document, la recherche dans le fichier Mémoire des Hommes est souvent source d’informations, même pour une telle étude.

J’ai trouvé une fiche pour un Pierre Maynard, originaire de Mansonville, adjudant, mort fin 1918 des suites de maladie. De la classe 1895, sa période d’exercice aurait dû se dérouler en 1902. Mais en l’absence de la fiche matricule, inutile d’essayer de se lancer dans de longues hypothèses (était-il un engagé volontaire par exemple ? ).

L’état civil de Mansonville confirme cette naissance ainsi que celle d’une sœur en 1873, mais dont les prénoms sont Françoise Émilie. Pas de « C. » ; il y a toutefois une autre famille Maynard, donc une autre piste. Mais toujours le même problème : pour avancer, il faut les recensements.

  • En guise de conclusion

Derrière le simple aspect documentaire d’une carte postale, illustrée par une scène de genre, retrouver un pan entier de la vie militaire, ainsi qu’un destin si commun à ces hommes qui furent mobilisés montrent que ces documents sont souvent bien plus riches qu’on ne l’imagine. La masse croissante de données sur internet permet en tous cas de telles recherches, même si on regrette souvent que la source dont on aurait besoin ne soit, évidemment, pas disponible !

  • En complément :

Les sonneries réglementaires (mais pas l’appel aux corvées) sur Gallica « BNF collection sonore ».


Retour à la galerie des recherches sur les photographies d’avant 1914

Étiquettes:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *