J’ai pris cette photographie car elle montrait deux hommes dans une automobile, par curiosité… et parce que cela me permettait de négocier le prix d’une autre photo-carte. Son état a dû faire fuir plus d’un acheteur. Le jour de l’achat, elle était sur une table, sous la pluie. Même s’il sera difficile d’aller plus loin qu’une simple description, cette image permet d’aborder pour une fois le sujet de l’automobile pendant le conflit.
- Nourri au GBM
Pour qui veut s’intéresser un minimum aux automobiles pendant la Première Guerre mondiale, la lecture de la revue trimestrielle GBM est un passage obligé. Sans les numéros 95 (article : La voiture sous les drapeaux) et 98 (article sur les immatriculations), l’étude de l’image n’aurait pas dépassé le niveau qu’elle atteint quand on s’intéresse aux deux hommes…
Pour ce qui est de ces deux hommes, que dire ? En l’absence de correspondance au verso et de tout numéro d’unité lisible ? Tout au plus que l’homme à la place du conducteur (est-il seulement conducteur ou prend-il la pose dans ce lieu insolite ?) porte une veste bleu horizon et une marque de grade. Ainsi on peut dire que la photographie a pu être prise en 1915, mais le manque de netteté de l’image empêche de savoir s’il s’agit d’un brigadier d’artillerie, de COA ou d’un autre corps. L’homme à l’arrière est en tenue de travail.
- Identifier le véhicule
Ne pouvant observer la calandre, ce qui suit est purement hypothétique même si j’ai essayé de trouver un maximum de détails permettant d’identifier au moins la marque du véhicule.
Voici les éléments qui ont orienté ma recherche :
1. Capote reposant sur 4 arceaux | 2. Un garde-boue reconnaissable | 3. Double rangée de siège. Il ne s’agit pas pour autant d’un double phaëton (précision de Thierry Baudin que je remercie). | 4. Deux portes, avec charnières peu proéminentes |
1. Pare-brise avec un système lui permettant d’être levé | 2. Une lanterne en partie grignotée par l’humidité | 3. Roue de secours au niveau du conducteur | 4. Volant et klaxon à gauche |
La liste peut sembler longue, mais les pièces sont souvent identiques entre constructeurs (pare-brise par exemple, garde-boue…), et la calandre est invisible. Je suis arrivé à l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’une torpédo du constructeur Lorraine-Diétrich. Elle correspond presque en tous points avec la photographie publiée dans le magazine GBM 95 page 64. Seul le garde-boue est différent, mais probablement parce que tordu sur le véhicule photographié dans la revue.
- Une immatriculation ?
Le détail est visible sur le pare-brise. On voit nettement que la marque est sur le pare-brise car il n’est pas coupé par le volant.
Un « E » peut-être suivi d’un « 3 » ? Le « E » pourrait être aussi un « C » car la lisibilité est mauvaise : la barre qui en fait un « E » pourrait être un élément d’un élément à l’arrière (un camion ?). Ce pourrait donc être un véhicule réquisitionné dans la 3e région militaire (si c’est la lettre « C ») ou dans la 5e région militaire (si c’est un « E »).
Pour le « 3 », il n’y a aucune certitude non plus tant l’image est difficile à lire. Mais ce serait cohérent avec une immatriculation telle qu’elle était apposée au début du conflit, à savoir une lettre pour la région militaire de réquisition suivie d’un numéro d’inscription. Si une marque sur le pare-brise est assimilable à une immatriculation.
- En guise de conclusion
Quelle fut l’utilisation de cette automobile ? Quelle était la fonction de ces deux hommes ? Le fond est bien trop flou pour essayer d’en déduire quoi que ce soit : on perçoit seulement un hangar et d’autres véhicules. Mais le peu obtenu est là pour montrer que même jaunie, abîmée par l’humidité et sans indication, il y a tout de même de quoi faire.
- Sources :
VAUVILLIER François (2011). « 1897-1918, Les voitures de liaison d’état-major et de reconnaissance de l’armée française », GBM Histoire de Guerre, Blindés & Matériel, janvier, février, mars, pages 54 à 69.
BAUDIN Thierry (2011). « 1914-1918, Le premier système d’immatriculation de l’armée française », GBM Histoire de Guerre, Blindés & Matériel, octobre, novembre, décembre, pages 80 à 95.
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