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18 – Ballon d’Alsace, cyclistes du 4e BCP.

Image mal cadrée (au moins trois hommes sont hors cadre), non datée, anonyme ou presque, peu d’éléments qui attirent le regard. Pourtant, elle n’en est pas pour autant inintéressante car il y a des uniformes qui sortent de l’ordinaire, une correspondance et une localisation.

  • Des chasseurs cyclistes

Ces hommes sont des chasseurs cyclistes de la compagnie de cyclistes du 4e Bataillon de Chasseurs à Pieds. Ils portent un uniforme spécifique qui ne ressemble pas à celui des BCP : pas de capote, pas de guêtres ; à la place, une vareuse du modèle des chasseurs alpins et des bandes molletières. Cela donne une allure spécifique à ces unités de chasseurs cyclistes.

De plus, ces soldats étant des chasseurs, ils ont aussi les spécificités de la tenue de chasseurs : képi bleu et non garance comme dans l’infanterie de ligne, numéro de bataillon et passepoil du pantalon jonquille. Les marques de grade sont aussi les mêmes : on voit à l’image deux caporaux et un sergent. Tous ont une marque de grade en « cul de dé », le sergent (en haut à droite sur l’image) un galon couleur argent, les caporaux deux galons couleur jonquille. Le sergent ne porte pas de cartouchière postérieure : il n’a pas de bretelles de suspension.

Certains hommes ont une marque blanche au niveau de leur manche. Ce n’est pas une marque de grade mais une feuille (carte, message…) glissée dans le revers de cette manche.

  • Raid au sommet du ballon d’Alsace

A partir de 1913, la compagnie cycliste du 4e BCP quitte Saint-Nicolas-de-Port, en Meurthe -et-Moselle, suite à la réorganisation des unités cyclistes. Les chasseurs cyclistes du 4e BCP se retrouvent loin de la frontière, ce qui permet de dire que cette photographie a été prise avant 1913. L’écriture au verso de la carte n’étant autorisée que depuis novembre 1903, cela donne une fourchette de datation qui va de 1904 à 1913.
A défaut de « quand », grâce à une indication dans le texte, on sait exactement où la photographie a été prise : « pris le jour tous (sic) en haut du sommet du ballon d’Alsace sur la limite de la frontière. » En fonction de la route et des étapes effectuées depuis la caserne, on peut estimer la distance parcourue à au moins 140 kilomètres (2). Il s’agissait donc d’un « raid », nom que l’on donnait aux déplacements de ce type des unités de cyclistes. A 12 km/h de moyenne, ce raid n’a pas dû se faire en une journée, sans compter les routes de montagne.

La destination n’est pas innocente : les unités casernées à proximité de la frontière se rendaient régulièrement à la limite du territoire allemand afin de galvaniser les troupes, leur rappeler que l’Allemagne avait pris des provinces françaises et qu’il allait falloir les reprendre. Ces destinations nourrissaient donc l’esprit de revanche.

  • Adrien et Louise

Cette fois-ci, la croix a un prénom : Adrien. Mais c’est tout. il ne semble pas faire très chaud au sommet du ballon d’Alsace : Adrien a relevé son col, comme le sergent, un caporal et quelques hommes. On remarque qu’il est le seul à avoir attaché son col avec un système de fixation présent sous le col. Ce système est décrit dans la décision ministérielle du 28 janvier 189 concernant la troupes alpines :

« A gauche, sous le collet, existe une petite patte volante en drap du fond doublée du même ; elle est rectangulaire et arrondie à ses extrémités percées d’une boutonnière. Elle est attachée à un petit bouton d’uniforme autour duquel elle pivote à volonté, et va se rattacher par son autre extrémité à un second bouton placé sur la même ligne à 70 millimètres du premier. Cette patte étant développée sert à fermer le collet lorsqu’il est relevé ; à cet effet, elle reçoit un bouton d’uniforme correspondant cousu à droite« .

On voit nettement son étui-musette qui fait partie de l’équipement réglementaire. A première vue, comme tous ses camarades, il porte une tenue d’instruction comme l’atteste les pastilles de métal visibles sur le képi et sur les cols. Cependant cette fois ci, ce n’est pas une pastille comme on le voit habituellement, mais deux pastilles qui ornent chaque col et le képi. Il semble malgré tout que la signification soit la même que pour une seule pastille : la tenue d’instruction, tout simplement.

Derrière les propos anodins et dont le sens nous est perdu, se cachent les sentiments d’Adrien bien visibles dans la signature de sa carte : « Un cœur qui soupire du votre ». Il serait bien aventureux de dire comment tout cela s’est terminé pour Adrien. Que ce soit au niveau du conflit ou de son idylle avec Louise, faute de nom, on est bien en peine de retrouver plus d’informations sur son parcours et plus généralement sur sa vie.

  • En guise de conclusion

Certaines images peuvent paraître peu intéressantes en raison de leur état, d’un cadrage raté, d’une qualité médiocre, de l’absence de possibilité de retrouver la trace des personnes visibles. Même si cela rend les recherches bien plus difficiles et moins développées qu’on ne le voudrait, ces documents apportent souvent des éléments utiles et intéressants aux curieux de cette période. Et parfois des éléments amusants : ici, l’absence de bicyclettes visibles pour ce groupe de cyclistes !

  • Pour approfondir :

– Une adresse qui mène vers un forum qui aborde toutes les questions concernant les chasseurs cyclistes : le forum Les chasseurs cyclistes et la Grande Guerre 1914-1918. A la fois base de données sur les compagnies cyclistes puis les groupes cyclistes et leur parcours pendant la guerre, et espace de discussion sur ces unités et leurs hommes. Un grand merci à Christophe Lagrange et Bruno Barrier pour leur aide pour cet article.

– Un article très complet et illustré dans la revue trimestrielle Les Dossiers Militaria : DELPERIER Louis, 1914, les chasseurs cyclistes, in Les Dossiers Militaria, avril-juin 2011, n°9, pages 60 à 69.

– Fond de carte : Atlas général de Vidal Lablache, vers 1910. Cliquez ici pour un accès direct.

Journal militaire, année 1891, 1er semestre, éditions Librairie militaire de L. Baudoin, Paris, 1891. Pages 88 à 90. Accès direct à la première page sur Gallica.


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