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15 – Soldat bavard, Falaise, 74e RI, 1913 (1)

Paul a été bien peu bavard ! C’est bien dommage. Ce ne sont pas les détails qui manquent sur cette photo carte, heureusement. Mais compenseront-ils le laconisme des mots ?

  • Avec le 74e RI

L’avantage d’avoir un officier sur l’image est que le numéro du régiment apparaît de manière bien visible sur le képi, sans nécessiter un blanchiment à la craie. Grâce au lieutenant, on voit sans difficulté qu’il s’agit d’un groupe d’hommes du 74e RI

Les choses ne sont pourtant pas si simples : aucun autre indice n’est visible sur les uniformes : pas de 74 visible ailleurs. Et à l’exception du sergent assis à côté du lieutenant, les hommes présents ne sont pas très jeunes, les visages sont ronds, la trentaine (mais je ne suis pas très physionomiste).

Plus assez jeunes pour dire qu’ils sont de l’armée d’active. Nous ne sommes donc pas face à des hommes faisant leur service militaire mais plutôt des réservistes encadrés par deux militaires.

  • 74e RI ou pas ?

Le fait que la carte soit partie de Falaise va dans le sens d’un groupe du 74e RI. Toutefois, tenue du 74e RI ne veut pas dire affectation au 74e RI. En effet, le 74e RI, administrativement, gère le 74e RI mais aussi son régiment de réserve (le 274e RI) et un régiment territorial (le 19e régiment d’infanterie territoriale). Ce qui implique que lors des périodes des réservistes, les uniformes distribués pouvaient être ceux du 74e RI, même s’il s’agissait d’hommes non destinés à y être incorporés en cas de mobilisation. Ainsi, cette photographie a pu être prise lors d’une période d’exercices de la classe 1905 s’il s’agit de réservistes de la deuxième période de la réserve d’active, ou autour de la classe 1896 s’il s’agit de territoriaux (hommes d’environ 37 ans en 1913).

Le texte de la carte ne nous donne aucune indication qui nous permettrait d’avoir quelques certitudes à ce sujet :

Il serait malgré tout possible de savoir ce qu’il en est vraiment : en regardant les fiches matricules des hommes des deux classes désignées plus haut. En effet, les périodes d’exercices sont notées :  une période antérieure au 18 mai (ou avec le 18 mai inclus) pourrait aider à déterminer avec certitude de quelle classe il s’agit. Et donc l’âge de ces hommes.

  • Un contexte à déterminer

A quelle occasion cette photographie a-t-elle été prise et où ? Pour le « où », il semble que la caserne soit à exclure : cela ressemble plus à une cour de ferme ou une rue. On aperçoit une balance à droite et l’architecture fait penser à une construction médiévale ou un peu plus tardive. 

Une inscription sur la porte est intéressante pour affiner le contexte : « Poste de police ».

Si la photographie a été prise dans une cour de ferme, cela indiquerait que ces hommes sont partis de la caserne pour une marche et pour passer au moins une nuit en cantonnement. Ces nuit hors de la caserne étaient normalement systématiques pour les réservistes, plus rares pour les territoriaux.

  • Quelques détails

Cette image est riche en détails amusants ou signifiants. Au rang des détails amusants, l’attitude prise par l’homme qui se tient debout derrière le sergent qui est assis : il fait des cornes au-dessus de la tête du sergent.

Geste enfantin ? Moquerie amicale (bien que les deux mots n’aillent pas bien ensemble) ? Ou, au contraire, moquerie délibérée ? Rien ne permet, hélas de le déterminer. Aucun regard désapprobateur ou amusé pour nous orienter. Pourtant cet homme pose sinon son geste, comme l’homme au fond, aurait été flou.

Autre détail, la capote de ces deux hommes :

Celui de droite a attaché le bouton qui se trouve derrière au pan de sa capote afin de le relever, comme tous les autres hommes. Ouvrir la capote facilite la marche et la course : les jambes ne sont pas entravées. L’homme à gauche a déboutonné le pan de sa capote. On voit l’un des deux boutons avec lesquels il attache d’habitude les pans de sa capote.

L’homme sur l’image ci-dessous paraît plus âgé que les autres. Peut-être sa posture donne-t-elle une fausse impression ? Il semble porter une décoration. Impossible de déterminer laquelle en raison de la qualité du grain de la photographie comme on peut le voir sur le scan à 2400 dpi (qui donne de meilleurs résultats sur d’autres clichés).

Plusieurs hommes portent le galon de sergent, l’un d’eux est caporal fourrier.

On peut remarquer que la jugulaire a deux couleurs différentes. C’est normal : les sergent portent une jugulaire dorée. Cela permet de différencier les soldats de première classe ayant blanchi leur galon et les sergents, le niveau de gris sur les clichés étant souvent identique dans ce cas. Ce détail de la jugulaire est aussi bien utile quand un homme cache ses bras derrière son dos comme c’est le cas pour l’un d’entre eux sur la photographie.

  • En guise de conclusion

Une architecture typique pourrait nous aider à identifier précisément le lieu où a été pris le cliché. Mais avec les destructions (du temps, de la Seconde Guerre mondiale) et les aménagements réalisés depuis bientôt 100 ans, ce n’est pas si évident. Sans l’officier, ce cliché n’aurait pas été identifiable. Reste que le texte laconique et les différents détails sont loin de dire l’essentiel sur les circonstances de la prise de cette photographie.

Cette recherche a une suite ICI.

  • Pour aller plus loin

Le « 74e RI » a son spécialiste : Stéphan Agosto. Passionné par le parcours des hommes de ce régiment, malgré le peu de temps libre dont il dispose, il alimente son blog sur le régiment et surtout fait vivre la mémoire de ses combattants. Peut-être aura-t-il des pistes pour faire parler un peu plus cette photographie ? Même si ce n’est pas le cas, la visite de son blog s’impose, quand art graphique et rigueur historique se conjuguent avec une grande humanité.


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