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64 – Audard Claude, conscrit au 142e RI, Lodève, 1915

La photographie de groupe, ce grand classique, est l’occasion de découvrir des recrues dans de multiples situations, à la pluche, en marche, à l’exercice, en sortie en ville, dans la caserne… Ici, ce sont de jeunes recrues posant dans la caserne, classique parmi les classiques.

  • À Lodève

Le groupe pose devant une porte. On pourrait imaginer que cette photographie date d’avant-guerre : elle en a toutes les caractéristiques, à quelques détails près comme les capotes sont du modèle 1877. Cependant, plusieurs indices montrent, en plus de la date de l’expédition, qu’elle est postérieure à 1914.

Certains n’ont pas de guêtres mais des bandes molletières.

Les cartouchières sont de différents modèles, dont certaines en toile. On équipait les recrues au dépôt avec ce que l’on trouvait, les effets de meilleure qualité étant réservés pour l’envoi des renforts et distribués juste avant le départ. Au centre de l’image ci-dessous, ce sont d’anciennes cartouchières modèles 1882.

Les capotes sont toutes du modèle 1877 mais pour l’homme tenant l’ardoise, les boutons sont de modèles du commerce pour pallier au manque de boutons réglementaires.

Tous ces hommes sont du 142e RI dont le numéro est bien visible sur des cols et des képis.

La pose est plus sérieuse que d’autres étudiées dans cette rubrique. L’ardoise laisse penser que ce sont des hommes de la même chambrée qui ont décidé de se faire photographier ensemble. Il est dommage que le seul homme portant un bonnet de police et au regard distant ait décidé de croiser ses bras dans son dos. En effet, il est un des deux hommes qui n’a pas de ceinturon et de cartouchières, l’autre étant le caporal qui tient l’ardoise. Est-il aussi un caporal ? On croit deviner les galons, mais difficile d’avoir une certitude.

Avec la classe 1915

Ces jeunes hommes sont arrivés en décembre 1914 à la caserne. Il n’y a pas de doutes quant à l’appartenance de ce groupe à cette classe. Non seulement ils l’ont écrit sur l’ardoise, mais en plus le texte au verso le confirme, sans compter leur physionomie.

« Lodève, le 14 février 1915
Chère Marraine
Je vous est écrit déjà 3 lettres et je n’ai pas reçu de vos nouvelles. Je me sios fait photographié alors je vous envoie ma photographie et je pense cette fois la de recevoir une de vos réponse ey je pense de partir à la fin de ce mois ou les premiers jours de l’autre. Je suis en bonne santé et je pense que vous êtes de même.
Votre filleul qui vous embrasse bien fort ainsi que toute la famille ainsi que Cousin et Cousine
Audare Claude, 142 dinfanterie
28 compagnie 3 section Lodève Hérault »

Remettre son adresse complète est probablement un moyen d’inciter une fois encore sa marraine à lui répondre, ce sur quoi il dit clairement ses attentes dans son texte. Pour nous, c’est le moyen de savoir qu’il est à la 28e compagnie, une compagnie de dépôt.

Il indique s’attendre à partir d’ici au maximum un mois. Ce n’est pas un autre moyen de pousser à lui écrire, mais bien une réalité. La classe 1915 fut envoyée pour constituer les régiments numérotés en 400 ou en renfort au début du mois de mars 1915.

Précisons que le terme « marraine » doit être pris dans son sens religieux, non celui de « marraine de guerre ». Il s’agit probablement d’une tante vu qu’il demande de saluer son cousin et sa cousine.

  • Mende ou Lodève ?

La mention de Lodève pour une recrue au dépôt du 142e RI pourrait surprendre. En effet, le dépôt est identifié comme étant à Mende dans les documents. Cependant, déjà avant-guerre, deux bataillons du 142e RI étaient à Lodève et pendant le conflit, les dépôts furent fréquemment répartis entre plusieurs lieux de casernement. On apprend donc ici que la 28e compagnie du 142e RI était à cette période à Lodève.

Le sous-bassement avec ses quatre rangs de pierre avec au-dessus un mur à enduit clair et des marches donnant sur une porte fait penser à une caserne, mais en l’absence de vue proche sur d’autres photographies observées, la question reste en suspens.

  • Qui est « Claude Audare » ?

Il ne faut pas imaginer que les hommes envoyés au 142e RI dans l’Hérault étaient des Héraultais. L’affectation était un brin plus complexe. Pour le 142e RI, les 1010 soldats de la classe 1915 venaient de1 :

Cela explique l’absence de Claude Audare dans les fiches matricules de l’Hérault mais sa présence dans celles de Roanne. D’autant que ce n’est pas sous le nom « Audare », comme on le lit sur la signature, qu’il est enregistré dans la fiche matricule mais « Audard ». L’acte de naissance permet de déterminer que le nom est bien « Audard ».

Né en avril 1895 à Saint-Victor-sur-Rhins dans l’arrondissement de Roanne, il fait partie des 160 jeunes classe 1915 envoyés au 142e RI de Mende. Il y arrive le 18 décembre 1914 et termine son instruction le 30 mars 1915. Il est alors envoyé en renfort au 142e RI au front. Affecté à la 10e compagnie, il y gagne rapidement ses galons de caporal, dès le 8 août 1915, après peut-être avoir suivi les cours d’élève caporal à Lodève, sans qu’il puisse avoir le grade en raison des décisions du GQG.

Le 25 juin 1916, il devient sergent

Évacué le 13 février 1917, il passe à la 12e compagnie de dépôt dans la zone des armées. Il retourne en unité combattante le 16 avril 1917 à la 5e compagnie. Dès son retour, il participe à de violents combats aux Éparges le 18 avril 1917 et y gagne une citation à l’ordre de la division. Il a des contusions multiples suite à l’explosion d’un obus le 8 septembre 1917 sans que cela n’entraîne son évacuation. Il obtient tout de même à l’occasion une seconde citation, à l’ordre du régiment cette fois-ci.

Il est évacué pour maladie le 9 avril 1918, il est de retour le 27 mai 1918 avant d’être affecté au 4e GBI.

À la fin de la guerre, il quitte définitivement l’uniforme, étant affecté aux chemins de fer. Il est décédé à Lyon en juillet 1980.

  • Où est Claude Audard ?

La sempiternelle question « Où est-il ? » et sa quasi sempiternelle réponse « Impossible à dire avec certitude » permettent d’abréger le suspens au moment d’écrire le bilan de la recherche. Cheveux noirs, front moyen, nez rectiligne et visage long sont toujours aussi difficiles à cerner sur une photographie. Même son 1,69 mètre n’aide pas. Il y a bien ce qui pourrait être un semblant de croix au-dessus de la tête d’un soldat, mais c’est ténu et pourrait aussi bien être une griffure ou un défaut sur le papier. Qui plus est, s’il s’agit bien d’une croix, qui désigne-t-elle ? Traditionnellement, on pense à l’homme en dessous, mais pourquoi pas celui à gauche ou celui à droite ici ?

  • En guise de conclusion

Cette recherche montre qu’avec les bonnes sources, retrouver un conscrit dont on a le nom et la classe mais pas l’origine peut être réduite dans l’espace en sachant d’où venaient les conscrits. Ces informations étaient publiées chaque année et la presse locale s’en faisait souvent l’écho.

Reste qu’un nom orthographié différemment peut être source de mauvaise direction et d’une perte de temps. Cela ne donne pas pour autant le lieu de prise de vue de la photographie ni la place occupée par l’auteur sur le cliché.

  • Sources :

Archives départementales de la Loire :

1 R 1682 : fiche matricule de Audard Claude, classe 1915, matricule 713 au bureau de recrutement de Roanne.
https://archives.loire.fr/ark:/51302/vta18c82851f59849ba/daogrp/0/622

3NUMEC1/3E294_12 – état-civil de Saint-Victor-sur-Rhins. Naissances, Mariages, Décès. – 1893 – 1896.
https://archives.loire.fr/ark:/51302/vtadf9f739cc793b43c/daogrp/0/62

Service Historique de la Défense :

SHD GR 16 N 326 : Ministère de la Guerre – Arrêté relatif à la répartition entre les corps et à l’appel du contingent de la classe de 1915 et des ajournés des classes de 1914 et de 1913.


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  1. Ministère de la Guerre – Arrêté relatif à la répartition entre les corps et à l’appel du contingent de la classe de 1915 et des ajournés des classes de 1914 et de 1913. ↩︎

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